Never Again et Never Forget sont des œuvres de mémoire, une interpellation face à l’horreur du siècle et un appel au réveil des consciences. Ces deux oeuvres originales ont été reproduites en lithographies par Walter Editions.
La phrase Never Again trouve son origine dans le cri de révolte et d’espérance des survivants du camp de Buchenwald après leur libération en avril 1945. Partant de la dénonciation de la Shoah, ce slogan est devenu universel et condamne toutes les entreprises génocidaires qui se sont succédé depuis le XXèmesiècle, malgré ses promesses de civilisation et de progrès. À la même source, Never Forget entre en résonnance avec Never Again et insiste sur le devoir de transmission de la mémoire pour combattre et empêcher la perpétuation de tels crimes.
À partir de ces deux slogans, Tania Mouraud a conçu et réalisé deux œuvres distinctes et nécessairement complémentaires après le meurtre de Mireille Knoll à Paris, le 23 mars 2018, et la marche commémorative qui a suivi le 28 mars.
Never Again et Never Forget entrent ainsi en résonance comme un deux cris d’indignation et de protestation politique. Plus de soixante-dix ans après la Shoah, malgré la transmission de sa mémoire et le travail des historiens, c’est encore l’antisémitisme qui a frappé une femme rescapée dans sa jeunesse des rafles de l’Occupation. Après une longue série de crimes de haine, depuis les assassinats d’Ilan Halimi en 2006, des enfants de l’école Ozar Hatorah de Toulouse en 2012, de Sarah Halimi à Paris en 2017 et de l’attentat de la porte de Vincennes en 2015, l’indignation et la condamnation ne suffisent plus à contenir la résurgence d’un antisémitisme mortifère. La dénonciation de ce phénomène, une protestation politique unanime et un appel à la réflexion collective sont devenues urgentes.
Never Again et Never Forget s’inscrivent dans cette perspective comme deux œuvres politiques en prise avec le devoir de mémoire et avec l’effraction de l’insoutenable, comme un rappel et comme un avertissement. Mais les deux œuvres s’écrivent aussi, à l’image d’HCYS ?, comme des appels à la réflexion, à l’analyse et au déchiffrement du sens des phénomènes qu’elles dénoncent.
Depuis les années 1980, Tania Mouraud a développé dans les Wall Paintings et les Écritures une recherche formelle sur le slogan politique, réduction idéologique du langage au service d’une cause, et le slogan publicitaire, réduction post-idéologique de celui-ci au service de l’objet de consommation. Misant tout sur l’efficacité du message, le premier interpelle puissamment, il actionne des forces momentanées, mais il peine à s’inscrire dans le temps long de la conscience politique et de la transmission de la mémoire aux jeunes générations, tandis que le second, voué à la logique de l’obsolescence et au renouvellement permanent, remplace progressivement le vide laissé par le premier.
Les recherches de Tania Mouraud ont abouti à la création d’une écriture plastique originale qui ne peut se saisir d’un coup d’œil rapide ou distrait. C’est grâce au temps de l’attention et du déchiffrement que l’œil intelligent surprend la logique de l’écriture. Il retrouve ainsi, plus neuve et plus profonde, la puissance signifiante du langage et les potentialités du sens. Par leur dimension heuristique, Never Again et Never Forget restituent au spectateur actif sa dignité de sujet et l’invitent à chercher par lui-même le sens d’un message que l’ordinaire du langage communicationnel formule comme un impératif catégorique, au risque d’une adhésion momentanée ou d’un simple sursaut d’indignation et d’empathie.
Contre le désastre de l’oubli, Never Again et Never Forget dénoncent, mais interpellent surtout notre intelligence et notre capacité à réfléchir et agir collectivement contre la haine de l’altérité.