Momo
Né en 1974 à San Francisco, MOMO, affiche une trajectoire singulière. Contrairement à la plupart des artistes oeuvrant dans l’espace public, ce n’est pas par le graffiti qu’il est venu à l’art urbain, mais au gré de ses très nombreux voyages. Le premier d’entre eux, en 1991, l’amène à passer un été en Europe. Muni d’un pass Interail, MOMO sillonne le Royaume-uni, la France, l’Allemagne, l’Espagne. Il y découvre les free parties en plein essor. Le côté DIY de la culture techno, mais aussi l’abstraction de la musique électronique, auront par la suite une certaine influence sur sa pratique.
De retour aux Etats-unis, le jeune-homme suit sans grande conviction un cursus artistique au lycée. “ Mes études me donnaient le sentiment d’être isolé, raconte-t-il. Or j’étais très curieux de découvrir le monde.” En 1994, au lieu de s’inscrire à l’université, il retourne donc sur la route, direction le Nouveau Mexique. Il y rencontre le peintre David Barbero, avec lequel il collabore. L’équipée est frugale : MOMO voyage en stop, muni d’un simple sac à dos, et dort chez l’habitant. Pour subvenir à ses besoins, il peint sur le motif, à l’aquarelle, des paysages et des portraits qu’il vend au porte à porte, sur les lieux mêmes de leur réalisation.
De retour à San Francisco, il suit pendant un an et demi des cours de programmation informatique, qu’il abandonne avant leur terme. Il faut dire que sa soif de voyages est loin d’être étanchée. En 1999, MOMO s’envole à nouveau pour l’Europe, et vit un an en Andalousie. “En matière d’art urbain, l’Europe vivait son âge d’or, sans commune mesure avec ce qui se passait alors aux Etats-unis, explique-t-il. Les artistes y avaient une approche plus sociale et politique de la création.” En voyageant dans les Caraïbes (Jamaïque, Grand Cayman,îles Turques-et-Caïques…), il découvre aussi une autre tradition murale : celle des fresques géométriques que les habitants peignent sur leurs maisons.
Ces divers exemples nourrissent sa propre pratique murale, même si celle-ci est à l’époque rythmée par les commandes de murs et de sculptures publicitaires, qui financent ses voyages. Ils l’orientent aussi vers une approche abstraite de la création, qu’il développe peu après son installation à New York en 2004. En pleine psychose post-11 septembre, l’artiste y délaisse rapidement le portrait pour s’atteler à une série d’oeuvres quasi conceptuelles. Après avoir créé “le plus grand tag du monde” sous la forme d’un long ruban de peinture déployé dans les rues de Manhattan, il s’attèle à une série de collages abstraits à partir de papiers de couleur. “C’était totalement différent de ce qu’on voyait dans le champ du street art à l’époque, note-t-il. La scène était alors dominée par des oeuvres figuratives et sentimentales. Mes collages étaient très faciles à identifier, car ils tranchaient sur le reste. Je n’ai jamais eu d’intérêt pour le style cartoonesque. Je me suis dit qu’en exposant des oeuvres abstraites dans la rue, je pourrais peut-être contribuer à intellectualiser un peu la scène street art. C’était aussi une manière de ne pas manipuler le public, comme le faisait alors la propagande guerrière.”
Ses collages prennent bientôt la forme du MOMO Maker, où se versent ses compétences en informatique et son intérêt pour la culture du logiciel libre. Les affiches produites dans ce cadre sont en effet créées par ordinateur, à partir de GIFS combinés en d’infinies variations selon les principes de l’art génératif. En 2008, le goût de MOMO pour l’abstraction et l’aléatoire donne aussi lieu à des oeuvres sculpturales cinétiques réalisées en collaboration avec Eltono, et déployées le long de l’East River à l’occasion du projet PLAF.
A partir de 2010, l’artiste s’oriente vers une méthode de travail qu’il qualifie de “géométrie pratique” (“Practical geometry”). A partir d’outils qu’il met lui-même au point, il noue sur de grands murs des compositions abstraites où se juxtaposent des formes et textures composites, à l’aspect numérique. Il expérimente cette approche dans le cadre de diverses commandes et de festivals – Fame à Grottaglie en Italie (de 2010 à 2012), Bien urbain à Besançon (2012 et 2013), Open walls à Baltimore en (2012)… – mais aussi d’expositions individuelles et collectives. En 2016, il participe notamment à l’exposition inaugurale du MIMA (Bruxelles), City lights.
Son protocole de travail se développe aussi dans l’atelier. Installé depuis peu en Floride, MOMO se consacre désormais de préférence à ses toiles, qui lui offrent davantage le temps d’expérimenter. Ce qui sied bien à un artiste hors-normes, situé à l’écart des modes et des esthétiques dominantes.